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Compte rendu de l'exposition de mai 1921 à l'ENSBA par Charles Saunier (Revue de l'Art no 226,mai 1921)


portrait de luc-olivier merson
Luc-Olivier Merson (1846-1920)
Sommaire général
Vie
Oeuvre
Images des oeuvres
Les timbres de France au type Merson
Les timbres étrangers au type Merson

L.-O. MERSON. - LE RÉVEIL DU PRINTEMPS
L.-O. MERSON. - LE RÉVEIL DU PRINTEMPS.

L'ŒUVRE DE LUC-OLIVIER MERSON
A L'EXPOSITION DE L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS



C'ÉTAIT autrefois, pour l'Académie des Beaux-Arts, une sorte de privilège dont elle se montrait justement jalouse, que de pouvoir organiser, au décès de ses membres, une exposition de leurs œuvres, dans les salles de l'École 'qu'elle régentait. La perfection de certains morceaux trouvait son explication dans la présence de recherches de toutes sortes, qui, par leur nombre, révélaient à quel prix s'acquérait la notoriété. Pour des ràisons diverses, ce pieux usage est tombé en désuétude. La chose "n'a pas été sans inconvénient pour les membres de la Compagnie, car il est telle personnalité dont la réputation semble avoir pris fin dès l'instant que la mort l'arracha de son fauteuil académique.
Mais voilà que les salles du quai Malaquais connaissent, à nouveau, l'animation. Pour quelques semaines, un ensemble des œuvres de Luc­Olivier Merson, accompagnées d'esquisses et de centaines de dessins, choisis parmi les milliers, tout aussi achevés, que renferment ses cartons est livré au jugement du public, soumis à l'étude de ses confrères, à la réflexion des débutants qui, jusqu'ici, du maître, connaissaient plus le nom que les œuvres. Car il avait, très tôt, renoncé à figurer régulièrement aux Salons annuels: l'obligation de se présenter à jour fixe s'accordant eu avec son talent réfléchi, son aractère scrupuleux, incapable de rossir un effet pour retenir l'attention.


L.-O. MERSON Etude pour une tête d'Ange
L.-O. MERSON.
Etude pour une tête d'Ange
Dessin


La diversité des œuvres réunies étonnera nombre de visiteurs. Venus avec l'idée de connaître de hautaines peintures destinées aux palais officiels et ordonnées selon les règles du plus pur académisme, ils se trouveront en présence de productions variées, de vastes compositions, certes, et de bel équilibre, des cartons de vitraux et de tapisseries, de l'importance de la tenture du palais de la Paix, à La Haye; mais ils auront aussi la surprise de toiles de chevalet de présentation délicate, parfois pimentées d'ironie légère, et, ils rencontreront par surcroît, des feuillets d'illustrations accompagnés de simples lettres ornées, mais si jolies qu'elles constituent en elles-mêmes un sujet complet.
Et pour les grands morceaux comme pour les plus petits, quelle accumulation de projets, de dessins! Le plus mince personnage n'a été mis en place qu'après des études très poussées.
A l'exemple de ce qui avait été fait pour Degas, les organisateurs de l'exposition Merson se sont efforcés de grouper, autour de chacune des principales œuvres, les études et dessins qui s'y rapportent. Ainsi, est-il aisé de discerner par quelles phases elles ont passé et de connaître, par suite, les méthodes de travail du peintre. Elles sont, d'ailleurs, celles des plus consciencieux maîtres de l'École française, et en particulier de Louis David et d'Ingres. Comme ses grands devanciers, Luc-Olivier Merson étudie la figure nue, puis drapée; j~xtaposant, ici, tel détail de main, de pied; analysant, là, tel pli d'étoffes.


Luc-Olivier Merson : La Musique
L.-O. MERSON.
La Musique
Peinture pour l'escalier d'honneur de l'Opéra-Comique (1898)


Évidemment, comme chez tous les artistes traditionalistes, à chaque reprise il y a recherche de stylisation, dans le galbe comme dans l'attitude. Ces recherches, pour l'instant, paraissent un peu désuètes; pourtant l'on sait qu'il y a, vers elles, un retour, et cela chez les plus outranciers. Car, si elles atténuent en apparence le sentiment de la vie « vivante », on ne saurait nier qu'elles donnèrent, souvent, un caractère durable aux œuvres du passé. C'est ainsi que le tableau du Sacre de Napoléon 1er conserve une tenue dont est par trop dépourvue la Fête populaire qui occupe son ancienne place, à Versailles. En effet, avec son tohu-bohu de gestes et de teintes, il semble que cette toile s'apparente plus à l'instantané photographique avec ses malencontreux hasards, qu'à une œuvre d'art, c'est-à-dire à une œuvre qui révèle un spectacle, un événement à travers un tempérament.
Chacun des dessins exposés a donc un double intérêt: son graphisme d'abord, toujours élégant, inspiré par de beaux modèles; puis, sa valeur documentaire venant du rôle qui lui est dévolu dans l'œuvre exécutée. Entre tant et tant, on s'arrête devant cette figure de femme aux bras tendus, présentée nue, puis drapée, que l'on retrouve dans l'une des peintures de l'escalier de l'Hôtel de Ville; et aussi, devant tels nus et telles notations de plis, préparations aux grandes figures qui, traduites en mosaïque, veillent sur les cendres de Pasteur 1. On aimera encore maintes études de garçonnets et de fillettes dont les masques mobiles aux yeux agrandis - c'est là une des particularités du dessin de Merson, - se retrouvent dans les médaillons placés au centre des arcs-doubleaux du grand escalier de l'Hôtel de Ville.

Luc-Olivier Merson avait obtenu, en 1869, le grand prix de Rome sur le Soldat de Marathon et, déjà, dans cette œuvre, se révèle cette prédilection pour le pittoresque, le menu incident, que le temps devait développer. Il fallait que le désir d'exprimer les mouvements de surprise, d'enthou­siasme, de joie ou de terreur de cette foule qui épie les sentiments des Archontes aux pieds desquels est tombé le courrier rompu par la fatigue, fût bien vif chez le jeune artiste. Car, par l'agitation de la scène, ce prix rompait avec les recettes d'école entrant d'ordinaire dans les conditions de succès, et même avec la formule plus moderne adoptée par Henri Regnault, grand prix de 1867, et que tentèrent de répéter la plupart des participants aux concours des années qui suivirent. Le secret de cette liberté relative, rachetée par la science et la stireté du dessin, doit être cherché et dans l'esprit même de Merson et dans sa prédilection pour les Primitifs qu'il ne cessait d'aller étudier au Louvre. Et combien ils l'émurent plus durant ses années de séjour en Italie! Certes, ils ne furent plus seuls à agir sur le peintre: Raphaël, dont il copia la Dispute du Saint-Sacrement, et aussi le Corrège à l'admiration duquel il était préparé par sa dilection pour Baudry, si influencé lui-même par le maître de Parme, fortifiaient ses tendances naturelles à la clarté et à l'équilibre, qualités si nécessaires à qui ambitionne de couvrir de grandes surfaces, d'aborder la peinture décorative. Mais l~ naturel continue à dominer et, si Merson conquiert des récompenses avec une composition comme le Sacrifice il la Patrie, première médaille du Salon de 1875, c'est avec la suite des petites scènes inspirées de l'histoire profane ou de la légende sacrée et présentées toujours dans un cadre de nature réel, - site d'Italie ou hameau breton, - qu'il obtiendra l'estime des amateurs. N'ont-­ils pas raison! Car c'est là qu'il manifesta sa pleine personnalité. Il s'y montra émouvant et sincère, ironique et pourtant touchant. La réunion de nombre de ses tableaux de chevalet, et appartenant pour- la plupart à la première partie de sa carrière, n'est donc pas l'un des moindres attraits de l'exposition du quai Malaquais. En dehors de leurs qualités de composition et de dessin, on appréciera leur tonalité fine, claire, quoiqu'un peu grise. Car, à l'encontre de tant de peintres desquels le rapprochait son fauteuil académique et avec qui certains affectent, par trop, de l'apparenter, il n'a jamais sacrifié aux effets faciles de ces messieurs, à leurs clairs-obscurs opaques. Et ce n'est pas de lui qu'on aurait pu dire, comme Manet de Robert Fleury: qu'il avait un pied dans la tombe et l'autre dans la terre de Sienne brûlée.
. Parmi les toiles de chevalet, il y a plaisir à revoir les deux épisodes inspirés par la légende du Loup d'Agubbio, puis Saint François d'Assise prêchant aux poissons, Angelo Pittore, l'Annonciation, l'Arrivée à Bethléem, - celle-ci empreinte au plus haut degré de ce mélange de

saint francois prechant aux poissons
L.-O. MERSON.
SAINT FRANÇOIS D'ASSISE PRÊCHANT AUX POISSONS.
Musée de Nantes.


mysticisme et de réalité qui est l'une des caractéristiques du talent de Merson. Relevé d'une pointe d'ironie, voici l'apologue de l'Homme et la Fortune, - ici, c'est l'homme, aveugle, qui court les chemins à la recherche de la Fortune, alors qu'elle est là, endormie au bord de la route. Mais pourquoi faut-il qu'on n'ait pu exposer, par ignorance du possesseur présent, un Jugement de Pâris, petit morceau délicieux, précieux par le dessin, les tonalités, qui, envoyé au Salon de 1884, avait été revu avec plaisir à l'Exposition universelle de 1889. Ah! j'oubliais de mentionner le gros succès de Luc-Olivier Merson, ce Repos en Égypte, du Salon de 1879, dont l'originale présentation alla au cœur du grand public.
Mais des maquettes, surtout de superbes dessins à la pierre noire avec retouches de blanc qui situent les lumières et mettent la figure à l'effet, rappellent aux visiteurs que tout le labeur du maître n'a pu être réuni quai Malaquais. Pour le connaître complètement, il faut aller là où ses grandes compositions occupent un emplacement définitif: au Palais de Justice, en cette galerie de S'aint-Louis, où se trouvent évoquées, d'une manière touchanie, deux scènes de la vie du monarque; à Saint-Thomas d'Aquin, à l'Institut Pasteur, à l'Hôtel de Ville, à l'Opéra-Comique, à Chantilly. Et je crois bien que parmi tant de morceaux achevés, il n'en est pas qui soient plus représentatifs de la clarté française et du talent de Merson que le Chant au Moyen Age (Opéra-Comique) et Théophile à Silvie (Chantilly). Tout y est joie et lumière, et l'ingéniosité du détail ne nuit de nulle façon à l'équilibre de l'ensemble.
Son esprit cultivé, sa dilection pour une archéologie amabilisée de modernisme, l'avaient tout naturellement conduit à voir dans une participation aux travaux d'art appliqué, un complément naturel à son labeur de peintre: les maîtres médiévaux; qu'il admirait tant, n'avaient-ils pas mené de front les besognes les plus diverses, les plus humbles comme les plus élevées? Aussi, est-ce avec passion qu'il étudia les problèmes que soulevait l'exécution d'une tapisserie ou d'un vitrail. Sa collaboration avec les maîtres-verriers, très soutenue, a été notam­ment l'occasion d'œuvres d'un grand charme et de haute valeur technique. On n'en veut pour preuve que le vitrail de la Danse des Fiançailles dont le carton a été prêté par le musée du Luxembourg, et qui, exécuté, décore, à New-York, l'hôtel de Mme Isaac Bell; les cartons exposés des verrières de Saint-Flavier (Indre-et-Loire), de Sainte-Adresse, de Montereau, de Biarritz, pour ne citer que des mor­ceaux dont l'exécution définitive est à la portée des touristes.
Avec le même soin qu'il mettait à documenter ses vastes compositions, Luc-Olivier Merson, qui fut et restera un de nos grands illustrateurs, faisait précéder images et vignettes, d'études exécutées, pour la partie figure, d'après le modèle; pour les fonds de nature, d;après les milliers de dessins de plantes dont ses cartons étaient bourrés. En dehors de quelques-uns, exposés au Salon de 1920, ses amis à peu près seuls) les connaissaient jusqu'ici. Ils savaient que durant' ses vacances, en Bretagne, c'était son délassement que de dessiner, avec la tendresse d'un primitif et la minutie d'un botaniste, une branche d'arbre, un fruit, une fleur, le moindre brin d'herbe. C'est même ce qui lui avait permis, aux environs de 1880, d'apporter une formule nouvelle dans la décoration des couvertures et des titres de maintes publications.


L'ARRIVEE A BETHLEEM
L.-O. MERSON.
L'ARRIVEE A BETHLEEM.


Aux arabesques néo­renaissantes alors en usage, il substituait des motifs où des feuillages très sains, très vrais, s'accordaient avec des figures de beau style. On a fait autrement depuis, la belle typographie a repris sa place, mais la formule Merson n'en marque pas moins une époque. D'ailleurs, ses illustrations, elles, n'ont pas vieilli. Faut­il rappeler l'Imagier, la Jacquerie, la Légende de saint Julien l'hospitalier, surtout Notre-Dame de Paris? Toutes, elles ont la vie, l'esprit, surtout une saveur d'évocation propre à satisfaire le romantisme qui est en nous. Dans un autre ordre d'idées, il convient de signaler les belles compositions que Luc-Olivier Merson exécuta il y a quelques années pour la décoration d'éditions de grand luxe des Trophées et des Nuits. Œuvres pleines de science et de conscience mais moins livresques, peut-être, que les illustrations précédemment mentionnées. Enfin, il laisse achevés, mais encore inédits, une suite de dessins pour le Moretum, de Virgile. Chaque pièce est incluse dans un encadrement aux arabesques d'un goût exquis. Il est un livre qu'il aurait bien voulu décorer, c'est Autour d'une tiare, de Gebhart. Peut-être trouvera-t-on sur les feuillets épars dans ses cartons, l'indication de scènes et de personnages pour ce roman qui le passionnait...
Mais, dites, que de curiosité, de variété d'expression, surtout de sincérité chez cet artiste que les circonstances avaient rapproché de l'académisme et qui, dans nombre de ses manifestations, s'est montré si éloigné de cette forme d'esprit 2.


CHARLES SAUNIER.





1. Le succès très légitime des figures en mosaïque qui décorent la crypte funéraire de Pasteur, avait incité les architecles du Sacré-Cœur à demander, ces dernières années, a L.-O. Merson, le carton de la grande mosaïque qui devait occuper la voûte absidiale de la basilique. Peu de travaux l'ont intéressé à ce point. C'est avec passion qu'il en établit la maquette qui fut marouflée sur une réduction du quart de sphère que la mosaïque devait recouvrir, et exposée dans son atelier de la Villa Garnier. Il en était au grandissement des détails, quand la mort est venue interrompre son labeur.


2. Sur Merson, Voir dans la Revue, t. II, p. 437, un article de G. Larroumet; et les articles de Benjamin-Constant sur la galerie de peintures du Château de Chantilly, t. III, p. 325 et de H. Fierens­Gevaert sur l'Opéra-Comique, t. IV, pp. 289 et 481


L.-O. MERSON ETUDE D'ENFANT POUR « LA MUSIQUE »
L.-O. MERSON.
ETUDE D'ENFANT POUR « LA MUSIQUE »




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Toussaint COPPOLANI
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