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Luc-Olivier Merson : 1er Janvier 1887 - Revue Illustrée Volume 3, Numéro 26


portrait de luc-olivier merson
Luc-Olivier Merson (1846-1920)
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Oeuvre
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Les timbres de France au type Merson
Les timbres étrangers au type Merson


Revue illustree vol3-26-couverture du 1er janvier 1887
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On découvre dans cette revue des illustrations de Luc-Olivier Merson pour le poème Le Cid de Barbey d'Aurevilly, ainsi que celles pour un texte intitulé "Causerie" de L. De Fourcaud.

1 - Le Cid de Barbey d'Aurevilly

Revue illustree vol3-26- du 1er janvier 1887 Le Cid Un soir, dans la Sierra, passait CAMPÉADOR.
Sur sa cuirasse d'or le soleil mirait l'or
Des derniers flamboiements d'une soirée ardente
Et semblait du héros la splendeur flamboyante !
Il n'était qu'or partout, du cimier aux talons.
L'or des cuissards froissait l'or des caparaçons.
Des rubis grenadins faisaient feu sur son casque,
Mais ses yeux en faisaient plus encor sous son masque...
Superbe, et de loisir, il allait sans pareil,
Et n'ayant rien à battre, il battait le Soleil !

Et les pâtres perchés aux rampes des montagnes
Se le montraient flambant, au loin dans les campagnes,
Comme une tour de feu, ce grand cavalier d'or,
Et disaient : « C'est Saint-Jacque ou bien CAMPÉADOR, »
Confondant tous les deux dans une même gloire,
L'un pour mieux l'admirer, l'autre pour mieux y croire !

Or, comme il passait là, magnifique et puissant,
Et calme, et grave, et lent, le radieux passant
Entendit dans le creux d'un ravin solitaire
Une voix qui semblait, triste, sortir de terre :
Et c'était, étendu sur le sol, un lépreux,
Une immondice humaine, un monstre, un être affreux,
Dont l'aspect fit lever tout droit dans la poussière,
Les deux pieds du cheval se dressant en arrière,
S'ils touchaient à cet être, en resteraient souillés,
Comme s'il eût compris que les fers de ses pieds,
Et qu'il ne pourrait plus en essuyer la fange !

Cependant le héros, dans sa splendeur d'Archange,
Inclinant son panache éclatant, aperçut
Le hideux malandrin, sale et vil, le rebut
Du haut de son cheval cabré, comme d'un trône,
Du monde ; — il lui tendit noblement son aumône
A ce lépreux impur, contagieux maudit,
Qui la lui demandait au nom de Jésus-Christ.
C'est alors qu'on put voir une chose touchante :
Allongeant vers le Cid sa main pulvérulente,
Le lépreux accroupi se mit sur ses genoux,
Surpris — le repoussé ! — de voir un homme doux
Ne pas montrer l'horreur qu'inspirait sa présence
Et ne pas l'écarter du bois dur de sa lance ;
Et touché dans le cœur de voir cette pitié,
Il osa, lui, le vil, l'affreux, l'humilié,
Dans un de ces élans plus forts que la nature,
Au gantelet d'acier coller sa bouche impure.

Le malheureux savait qu'il pouvait appuyer,
Sans lui donner son mal, sur le brillant acier,
Le mouiller de sa lèvre, y traîner son haleine.
Lui, qui n'avait jamais baisé de main humaine,
Et qui donnait la mort d'un seul attouchement,
Vautra son front dartreux sur l'acier de ce gant.
Et le Cid le laissa très tranquillement faire,
Sans dédain, sans dégoût, sans haine, sans colère.
Immobile, il restait le grand CAMPÉADOR !
Que pouvait-il penser sous le grillage d'or
De son casque en rubis, quand il vit cette audace ?
Quel sentiment passa sous l'or de sa cuirasse ?
Mais il fixa longtemps le lépreux, — puis, soudain,
Il arracha son gant et lui donna sa main.

Barbey d'Aurevilly
Revue illustree vol3-26- du 1er janvier 1887 Le Cid

2 - « CAUSERIE » de Louis de Fourcaud




Introduction :
On notera le monogramme


L O M
évoqué par la la lettrine :
L = 1ère lettre du texte
O = Soleil levant
M = branches


Lettrine LOM

Dessin de fin de texte


« CAUSERIE »

Le Jour de l'An approche, approche, ou plutôt nous allons à lui, coureurs affolés derrière lesquels la retraite se barre et la route s'effondre.
Au seuil de la nouvelle année, à l'abri d'un pan de murailles que le vieux saint Sylvestre a renversé du pied, le seigneur Étrennes attendait son heure, bien armé, corseté d'or, empanaché de plumes pourpres semblables à des flammes. Sa richesse brigande est prête à s'élancer sur notre misère.
Comme il est fort poli, ce coupe-bourses doré, il met des formes à ses pilleries. Il paye en cartes de visite innombrables, en petits billets pleins de protestations, les bienfaits qu'il nous extorque. Le seigneur Étrennes est plus gra­cieux qu'un page, plus impitoyable qu'un amoureux, plus besogneux qu'un père de famille béni du ciel, plus audacieux et plus rapace qu'un grand financier. Vous le compli­mentez de son triomphal costume, il vous répond qu'il a faim. - Vous, faim, seigneur Êtrennes! - Holà! Qu'il pleuve à l'instant des boîtes de confiserie! Que Siraudin épuise ses trésors et que l'immortel Boissier ne garde point par devers lui une praline! Si ces doux projectiles ne tombent pas dru comme grêle aux pieds du tyran, pêle-mêle avec tout ce qui se peut imaginer d'exquis ou simplement de coûleux, soyez tranquilles, il saura bien faire sa rafle lui-même. N'essayez pas de vous dérober ; ne feignez point d'avoir affaire à la campagne: cela ne vous servirait de rien.
Mais il n'est pas heureux, au fond, l'insatiable seigneur Étrennes. Le sort a fait de lui tout ensemble la terreur et l'espérance des hommes civilisés. Ce qu'il prend à l'un, la fatalité lui impose de le donner à l'autre. A lui les diamants, les émeraudes et les perles! A lui les orfèvreries splendides! A lui les beaux livres foisonnant d'images! A lui les polichinelles, les arlequins, les grandes dames articulées, les bergères à ressorts et les fougueux soldats de plomb! Son destin est de tout prendre et de ne rien garder, et, par avance, les messagers sont impatients, qu'il chargera de distribuer les colifichets et les merveilles. Bon gré, mal gré, il se prête aux fantaisies de celui-ci et aux tripotages de celui-là. Il a des épouses à fanfrelucher, des maîtresses à consteller, des protecteurs à amadouer pour un travailleur, des protectrices à gagner pour un intrigant, des marmots à régaler..., que sais:..je? Il a des concierges à acheter, des porteurs d'eau, des balayeurs, des facteurs, des contrôleurs de théâtre, des caméristes et des gens discrets, dont il faut reconnaître les services. Donnez, donnez à ce pauvre diable de Jour de l'An, afin qu'il ne prenne pas la peine de retourner lui-même vos poches. - Videz votre bourse et vivez en paix si vous pouvez.
Voilà ce que c'est que le recommencement de l'année: un égorgement général, une ruine universelle au nom des bons procédés.
Je me suis toujours demandé pourquoi le premier janvier est une fête pour toute nation échappée à la barbarie originelle. Les oripeaux sont dehors et les visages s'illuminent, mais il n'est point d'homme qu'une inquiétude secrèle ne morde au plus vif de soi. Savez-vous au juste ce qu'est l'espérance? L'écorce parfumée d'un fruit suspect. On voudrait, certes, le dépouiller, ce fruit d'amertume et de cendre empestée, garder l'écorce savoureuse et, loin de soi, jeter la cendre amère; mais on ne peut: ils se tiennent indissolublement. Qui a l'un aura l'autre; le poison infecte le palais quand le parfum reste aux lèvres.
Tout le monde, ces jours-ci, se compose un air joyeux. C'est de l'hypo­crisie pure.
Pour moi, les gens que je rencontre m'induisent également en pitié, depuis le petit marchand affamé, enroué et les yeux rouges, qui crie, le long du boulevard, des pantins de deux sous qu'on n'achète pas, jusqu'au joaillier qui a fait descendre vainement dans ses écrins et dans ses vitrines toutes les étoiles du bon Dieu. Je plains ce gros homme san­guin, toujours sous la crainte d'un coup de bourse et d'un coup de sang. J'ai pitié de ce mondain qui élabore, en son étroit cerveau, un tas de stériles fadaises.
Je m'attriste sur ces coquettes dont. les grâces compliquées se remontent comme une horloge et s'ar­rêtent dans l'énervement et la migraine.
Je suis indulgent à ces humiliés, endoloris et serviles, souples d'échine et la main tendue, qui tâchent à m'asservir en me flattant.
Ainsi, du haut en bas de l'échelle, je ne vois quasiment que des naïfs, des imbéciles et des drôles, courtisans ou victimes du seigneur Étrennes, incertains devant l'année qui s'ouvre et tous à plafndre par quelque endroit.
Mais voilà bien Paris -- et c'est ici que s'accuse un des caractères essentiels de la tragédie parisienne. En province, l'homme qui souffre a licence de montrer son mal, l'homme qui a faim n'a pas besoin de rentrer ses dents. L'accablement visible, la pauvreté qu'on sue, attirent là des charités discrètes. Volontiers les forts y viennent en aide aux faibles et les repus aux faméliques. Les situations vraiment intéressantes y ont vertu d'intéresser. On a toujours une échelle à tendre à celui qui veut et qui peut monter. Le contraire arrive à Paris, communément. Le souffreteux, le plaintif, le misérable, s'y voient meprisés, hormis qu'ils ne jouent la comédie.
C'est absurde, j'en, conviens. C'est injuste, j'en tombe d'accord. Et, toutefois, on com­prend qu'il en soit ainsi. Paris est un tel tourbillon qu'on ne saurait jamais s'y mettre assez en évidence. Le Marche! Marche! de Bossuet y fouette incessamment toutes les oreilles. L'actualité éperonne les esprits; le désir de se dégager de la foule surexcite les tempéraments. On a bien le temps de s'arrêter, à mi-chemin du but, à regarder les défaillants. Marche! Marche! Le tourbillon s'épaissit devant vous. Qui le peut fendre le fende! Vous prétendez marcher avec moi et vous n'avez point d'extérieur Fardez-vous, habillez-vous, changez de nom, ayez l'air d'un homme de race; plus tard, nous verrons si vous l'êtes. Entre nous, les comptes ne se règlent que dans l'action, en marche. Les peureux, les mélancoliques, les infirmes auront tort; sans le vouloir, nous les écraserons. C'est le mystère parisien par excellence.
On ne voit de Paris que ce qui miroite, s'empanache et surgit en s'étalant. Et le reste?... - Fi donc! De quoi venez-vous nous parler? Est-ce que le reste nous regarde? Nous sommes très bons, en vérité. Nous donnons plusieurs fois l'an des fêtes de bien­faisance, galantes au possible, où l'on se divertit de.la meilleure façon au bénéfice des infortunés. Pas plus tard qu'il ya quinze jours, nous étions tous à l'Opéra, pour la répétition générale de Patrie! consacrée aux inondés du Rhône et de la Durance. C'était un gala merveilleux. Chaque place coûtait cent francs et chaque femme porlait sur elle tant de diamants, que la salle entière semblait pétiller d'étincelles. Pareil à l'Egmont de Gœthe cachant le collier de la Toison-d'Or et son habit brodé sous un manteau bour­geois, notre monde parisien rejetait, pour un soir, la grise draperie dont il affecte de se couvrir, et se retrouvait, fleuri comme jadis, de toutes les élégances. Plaisir et charité réunis! Que voulez-vous de plus? Cessez de nous importuner de vos humeurs moroses. Il ne s'agit, au premier janvier, que de compliments et de sourires, et, factices ou non, les gaietés de ce jour n'ont été inventées que pour nous rendre supportable la perspec­tive des douze mois. Nous sommes contents de nous, au total, ou du moins, c'est tout comme !...
Et, cependant, les détresses se prolongent, le temps est dur aux pauvres et inquiétant aux riches. Qu'est-ce donc que le seigneur Étrennes vient faire parmi nous?
L. DE FOURCAUD2.


NOTES :
1  Jules Amédée Barbey d’Aurevilly, (Saint-Sauveur-le-Vicomte, 2 novembre 1808 - Paris, 23 avril 1889) est un écrivain, romancier, nouvelliste, poète, critique littéraire, journaliste, et polémiste français.
2  Louis Boussès de Fourcaud, dit Louis de FOURCAUD (6 novembre 1851 - 19 octobre 1914)


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Toussaint COPPOLANI
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