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Luc-Olivier Merson : 1er Janvier 1887 - Revue Illustr�e Volume 3, Num�ro 26
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On d�couvre dans cette revue des illustrations de Luc-Olivier Merson pour le po�me Le Cid
de Barbey d'Aurevilly, ainsi que celles pour un texte intitul� "Causerie" de L. De Fourcaud.
1 - Le Cid de Barbey d'Aurevilly
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Un soir, dans la Sierra, passait CAMPÉADOR.
Sur sa cuirasse d'or le soleil mirait l'or
Des derniers flamboiements d'une soir�e ardente
Et semblait du h�ros la splendeur flamboyante !
Il n'�tait qu'or partout, du cimier aux talons.
L'or des cuissards froissait l'or des capara�ons.
Des rubis grenadins faisaient feu sur son casque,
Mais ses yeux en faisaient plus encor sous son masque...
Superbe, et de loisir, il allait sans pareil,
Et n'ayant rien � battre, il battait le Soleil !
Et les p�tres perch�s aux rampes des montagnes
Se le montraient flambant, au loin dans les campagnes,
Comme une tour de feu, ce grand cavalier d'or,
Et disaient : � C'est Saint-Jacque
ou bien CAMPÉADOR, �
Confondant tous les deux dans une m�me gloire,
L'un pour mieux l'admirer, l'autre pour mieux y croire !
Or, comme il passait l�, magnifique et puissant,
Et calme, et grave, et lent, le radieux passant
Entendit dans le creux d'un ravin solitaire
Une voix qui semblait, triste, sortir de terre :
Et c'�tait, �tendu sur le sol, un l�preux,
Une immondice humaine, un monstre, un �tre affreux,
Dont l'aspect fit lever tout droit dans la poussi�re,
Les deux pieds du cheval se dressant en arri�re,
S'ils touchaient � cet �tre, en resteraient souill�s,
Comme s'il e�t compris que les fers de ses pieds,
Et qu'il ne pourrait plus en essuyer la fange !
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Cependant le h�ros, dans sa splendeur d'Archange,
Inclinant son panache �clatant, aper�ut
Le hideux malandrin, sale et vil, le rebut
Du haut de son cheval cabr�, comme d'un tr�ne,
Du monde ; � il lui tendit noblement son aum�ne
A ce l�preux impur, contagieux maudit,
Qui la lui demandait au nom de J�sus-Christ.
C'est alors qu'on put voir une chose touchante :
Allongeant vers le Cid sa main pulv�rulente,
Le l�preux accroupi se mit sur ses genoux,
Surpris � le repouss� ! � de voir un homme doux
Ne pas montrer l'horreur qu'inspirait sa pr�sence
Et ne pas l'�carter du bois dur de sa lance ;
Et touch� dans le c�ur de voir cette piti�,
Il osa, lui, le vil, l'affreux, l'humili�,
Dans un de ces �lans plus forts que la nature,
Au gantelet d'acier coller sa bouche impure.
Le malheureux savait qu'il pouvait appuyer,
Sans lui donner son mal, sur le brillant acier,
Le mouiller de sa l�vre, y tra�ner son haleine.
Lui, qui n'avait jamais bais� de main humaine,
Et qui donnait la mort d'un seul attouchement,
Vautra son front dartreux sur l'acier de ce gant.
Et le Cid le laissa tr�s tranquillement faire,
Sans d�dain, sans d�go�t, sans haine, sans col�re.
Immobile, il restait le grand CAMPÉADOR !
Que pouvait-il penser sous le grillage d'or
De son casque en rubis, quand il vit cette audace ?
Quel sentiment passa sous l'or de sa cuirasse ?
Mais il fixa longtemps le l�preux, � puis, soudain,
Il arracha son gant et lui donna sa main.
Barbey d'Aurevilly
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2 - « CAUSERIE » de Louis de Fourcaud
Introduction :
On notera le monogramme
L O M �voqu� par la la lettrine :
L = 1�re lettre du texte
O = Soleil levant
M = branches
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Dessin de fin de texte
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« CAUSERIE »
Le Jour de l'An approche, approche, ou plut�t nous allons � lui, coureurs affol�s derri�re lesquels la retraite se barre et la route s'effondre.
Au seuil de la nouvelle ann�e, � l'abri d'un pan de murailles que le vieux saint Sylvestre a renvers� du pied, le seigneur �trennes attendait son heure,
bien arm�, corset� d'or, empanach� de plumes pourpres semblables � des flammes. Sa richesse brigande est pr�te � s'�lancer sur notre mis�re.
Comme il est fort poli, ce coupe-bourses dor�, il met des formes � ses pilleries. Il paye en cartes de visite innombrables, en petits billets
pleins de protestations, les bienfaits qu'il nous extorque. Le seigneur �trennes est plus gra�cieux qu'un page, plus impitoyable qu'un amoureux,
plus besogneux qu'un p�re de famille b�ni du ciel, plus audacieux et plus rapace qu'un grand financier. Vous le compli�mentez de son triomphal costume,
il vous r�pond qu'il a faim. - Vous, faim, seigneur �trennes! - Hol�! Qu'il pleuve � l'instant des bo�tes de confiserie! Que Siraudin �puise ses tr�sors
et que l'immortel Boissier ne garde point par devers lui une praline! Si ces doux projectiles ne tombent pas dru comme gr�le aux pieds du tyran, p�le-m�le
avec tout ce qui se peut imaginer d'exquis ou simplement de co�leux, soyez tranquilles, il saura bien faire sa rafle lui-m�me.
N'essayez pas de vous d�rober ; ne feignez point d'avoir affaire � la campagne: cela ne vous servirait de rien.
Mais il n'est pas heureux, au fond, l'insatiable seigneur �trennes. Le sort a fait de lui tout ensemble la terreur et l'esp�rance
des hommes civilis�s. Ce qu'il prend � l'un, la fatalit� lui impose de le donner � l'autre. A lui les diamants, les �meraudes et les perles!
A lui les orf�vreries splendides! A lui les beaux livres foisonnant d'images! A lui les polichinelles, les arlequins,
les grandes dames articul�es, les berg�res � ressorts et les fougueux soldats de plomb! Son destin est de tout prendre et de ne rien garder,
et, par avance, les messagers sont impatients, qu'il chargera de distribuer les colifichets et les merveilles. Bon gr�, mal gr�,
il se pr�te aux fantaisies de celui-ci et aux tripotages de celui-l�. Il a des �pouses � fanfrelucher, des ma�tresses � consteller,
des protecteurs � amadouer pour un travailleur, des protectrices � gagner pour un intrigant, des marmots � r�galer..., que sais:..je?
Il a des concierges � acheter, des porteurs d'eau, des balayeurs, des facteurs, des contr�leurs de th��tre, des cam�ristes et des gens discrets,
dont il faut reconna�tre les services. Donnez, donnez � ce pauvre diable de Jour de l'An, afin qu'il ne prenne pas la peine de retourner
lui-m�me vos poches. - Videz votre bourse et vivez en paix si vous pouvez.
Voil� ce que c'est que le recommencement de l'ann�e: un �gorgement g�n�ral, une ruine universelle au nom des bons proc�d�s.
Je me suis toujours demand� pourquoi le premier janvier est une f�te pour toute nation �chapp�e � la barbarie originelle. Les oripeaux sont dehors et les visages
s'illuminent, mais il n'est point d'homme qu'une inqui�tude secr�le ne morde au plus vif de soi. Savez-vous au juste ce qu'est l'esp�rance?
L'�corce parfum�e d'un fruit suspect. On voudrait, certes, le d�pouiller, ce fruit d'amertume et de cendre empest�e, garder l'�corce savoureuse et, loin
de soi, jeter la cendre am�re; mais on ne peut: ils se tiennent indissolublement. Qui a l'un aura l'autre; le poison infecte le palais quand le parfum reste aux l�vres.
Tout le monde, ces jours-ci, se compose un air joyeux. C'est de l'hypo�crisie pure.
Pour moi, les gens que je rencontre m'induisent �galement en piti�, depuis le petit marchand affam�, enrou� et les yeux rouges,
qui crie, le long du boulevard, des pantins de deux sous qu'on n'ach�te pas, jusqu'au joaillier qui a fait descendre vainement
dans ses �crins et dans ses vitrines toutes les �toiles du bon Dieu. Je plains ce gros homme san�guin, toujours sous la crainte
d'un coup de bourse et d'un coup de sang. J'ai piti� de ce mondain qui �labore, en son �troit cerveau, un tas de st�riles fadaises.
Je m'attriste sur ces coquettes dont. les gr�ces compliqu�es se remontent comme une horloge et s'ar�r�tent dans l'�nervement et la migraine.
Je suis indulgent � ces humili�s, endoloris et serviles, souples d'�chine et la main tendue, qui t�chent � m'asservir en me flattant.
Ainsi, du haut en bas de l'�chelle, je ne vois quasiment que des na�fs, des imb�ciles et des dr�les, courtisans ou victimes du seigneur �trennes,
incertains devant l'ann�e qui s'ouvre et tous � plafndre par quelque endroit.
Mais voil� bien Paris -- et c'est ici que s'accuse un des caract�res essentiels de la trag�die parisienne. En province, l'homme
qui souffre a licence de montrer son mal, l'homme qui a faim n'a pas besoin de rentrer ses dents. L'accablement visible, la pauvret� qu'on sue,
attirent l� des charit�s discr�tes. Volontiers les forts y viennent en aide aux faibles et les repus aux fam�liques. Les situations vraiment
int�ressantes y ont vertu d'int�resser. On a toujours une �chelle � tendre � celui qui veut et qui peut monter. Le contraire arrive � Paris,
commun�ment. Le souffreteux, le plaintif, le mis�rable, s'y voient mepris�s, hormis qu'ils ne jouent la com�die.
C'est absurde, j'en, conviens. C'est injuste, j'en tombe d'accord. Et, toutefois, on com�prend qu'il en soit ainsi. Paris est un tel tourbillon
qu'on ne saurait jamais s'y mettre assez en �vidence. Le Marche! Marche! de Bossuet y fouette incessamment toutes les oreilles.
L'actualit� �peronne les esprits; le d�sir de se d�gager de la foule surexcite les temp�raments. On a bien le temps de s'arr�ter,
� mi-chemin du but, � regarder les d�faillants. Marche! Marche! Le tourbillon s'�paissit devant vous. Qui le peut fendre le fende!
Vous pr�tendez marcher avec moi et vous n'avez point d'ext�rieur Fardez-vous, habillez-vous, changez de nom, ayez l'air d'un homme de race;
plus tard, nous verrons si vous l'�tes. Entre nous, les comptes ne se r�glent que dans l'action, en marche. Les peureux, les m�lancoliques,
les infirmes auront tort; sans le vouloir, nous les �craserons. C'est le myst�re parisien par excellence.
On ne voit de Paris que ce qui miroite, s'empanache et surgit en s'�talant. Et le reste?... - Fi donc! De quoi venez-vous nous parler?
Est-ce que le reste nous regarde? Nous sommes tr�s bons, en v�rit�. Nous donnons plusieurs fois l'an des f�tes de bien�faisance, galantes au possible,
o� l'on se divertit de.la meilleure fa�on au b�n�fice des infortun�s. Pas plus tard qu'il ya quinze jours, nous �tions tous � l'Op�ra, pour
la r�p�tition g�n�rale de Patrie! consacr�e aux inond�s du Rh�ne et de la Durance. C'�tait un gala merveilleux. Chaque place co�tait cent francs
et chaque femme porlait sur elle tant de diamants, que la salle enti�re semblait p�tiller d'�tincelles. Pareil � l'Egmont de G�the cachant
le collier de la Toison-d'Or et son habit brod� sous un manteau bour�geois, notre monde parisien rejetait, pour un soir, la grise draperie dont
il affecte de se couvrir, et se retrouvait, fleuri comme jadis, de toutes les �l�gances. Plaisir et charit� r�unis! Que voulez-vous de plus?
Cessez de nous importuner de vos humeurs moroses. Il ne s'agit, au premier janvier, que de compliments et de sourires, et, factices ou non,
les gaiet�s de ce jour n'ont �t� invent�es que pour nous rendre supportable la perspec�tive des douze mois. Nous sommes contents de nous,
au total, ou du moins, c'est tout comme !...
Et, cependant, les d�tresses se prolongent, le temps est dur aux pauvres et inqui�tant aux riches. Qu'est-ce donc que le seigneur �trennes
vient faire parmi nous?
L. DE FOURCAUD2.
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NOTES :
1 Jules Am�d�e Barbey d�Aurevilly, (Saint-Sauveur-le-Vicomte, 2 novembre 1808 - Paris, 23 avril 1889) est un �crivain,
romancier, nouvelliste, po�te, critique litt�raire, journaliste, et pol�miste fran�ais.
2 Louis Bouss�s de Fourcaud, dit Louis de FOURCAUD (6 novembre 1851 - 19 octobre 1914)
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