Le raid de Victor Lasalle se termine dans le désert de Libye
Officier au 31e régiment d'aviation de Tours, Victor Lasalle a trouvé la mort dans le désert qui borde le golfe de Syrte en percutant des dunes,
le 15 décembre 1929, lors d'une liaison rapide entre Paris et Saigon.
L'interview de Victor Lasalle deux semaines avant sa mort
En 1929, Victor Lasalle obtient la permission de faire un raid civil. Il offre les premiers détails à un journaliste de la
Dépêche, le 1er décembre, à quelques jours de son départ.
– Alors, mon lieutenant… Madagascar ?
– « Pas du tout… Saigon. »
– C'est un raid ou un voyage de tourisme ?
– « Ni l'un ni l'autre. C'est une liaison rapide que je ferai avec un Nieuport type commercial équipé avec un moteur de 230 CV
à refroidissement par air. Nous avons un rayon d'action de 2.000 km et nous espérons faire une liaison rapide en 7 ou 10 jours,
c'est-à-dire plus vite que Bailly et Réginensi. »
– Et le but de cette mission ?
– « Effectuer une liaison aussi rapide que possible avec Saigon, transporter du courrier postal et, par la même occasion,
étudier la création d'une ligne commerciale. Ces liaisons rapides sont maintenant à l'ordre du jour et nous ne sommes pas les
seuls à partir [...] Notre raid est commandité par la maison Lorraine, dont le moteur de 230 CV équipe notre Nieuport. »
Lasalle, Rébart et Faltot avant leur dernier départ. (Collection Yvette Morel-Lasalle)
– Mais, vous partez avec trois passagers et une importante cargaison de courrier et vous n'avez qu'un moteur de 230 CV.
Le lieutenant Lasalle a un sourire ironique :
– « C'est la formule civile, dit-il. Un moteur de 230 CV est suffisant pour nous emmener à Saigon. Il n'est pas lourd et
consomme peu de carburant. »
[…]
– Croyez-vous qu'en cette saison vous ne serez pas gêné sur le parcours par le mauvais temps ?
– « Je ne le crois pas, parce que j'ai étudié mon itinéraire par l'Égypte. La saison est bonne sur cette région. En suivant la ligne droite et en passant par la Grèce, au contraire, nous aurions rencontré du mauvais temps. »
Disparus dans la tempête
L'avion de Victor Lasalle est un Nieuport-Delage 641 à moteur Lorraine Mizar 230CV. Le départ est fixé au 9. Mais l'avion
n'est pas prêt. Pire, il est légèrement endommagé par un chariot de queue le 12. Enfin, le 14 décembre, l'adjudant Rébard le
décolle du Bourget.
Le Nieuport dans un hangar du Bourget, avant le départ. (Collection Yvette Morel-Lasalle)
La première partie du voyage se déroule sans histoires. « Lasalle, Rébard et Faltot sont partis pour Saigon », titre
la Dépêche, précisant : « Ils ont fait escale et Istres et sont repartis pour Tunis ».
Mais très vite, c'est l'inquiétude : « Les aviateurs Lasalle, Rébard et Faltot ne sont toujours pas signalés à Benghasi »…
« On recherche Lasalle, Rébard et Faltot ».
Puis une lueur d'espoir : « Lasalle, Rébard et Faltot aurait atterri en Tripolitaine ». Courte lueur puisque la Dépêche
révèle : « Des débris d'avion sur la côte du golfe de Syrte en Tripolitaine » « Est-ce le monoplan de Lasalle et de ses
compagnons ».
La réponse vient aussitôt : « Le raid Paris – Saigon tragiquement interrompu ». Le 15 décembre, le NiD-641 F-AJDA de Lasalle,
Rébard et Faltot a bel et bien percuté des dunes, à Bir el Amar. La confirmation est donnée par le lieutenant Sanard, en poste
à Tunis, qui s'est rendu sur place pour reconnaître l'épave. Il avait accueilli le trio à l'escale de Tunis et suivi leur
préparation. « J'ai pu établir une version de l'accident et je ne crois pas me tromper en affirmant que l'équipage français
fut victime d'une tempête extraordinairement violente », écrit-il à l'intention du commandant Prat, du 31e régiment. Cette même
nuit d'ailleurs, un équipage anglais a trouvé la mort au sud de Tunis.
La veille de son départ, son épouse lui écrivait : « Si tu as le moindre doute, ne pars pas, tu me rendras bien heureuse. »
Elle pensait à elle et à sa fille, Yvette. Mais, par avance, Victor Lasalle avait chassé tous les doutes : « Nous arriverons »,
avait-il déclaré. « Que je vole de Tours à Marseille ou que je continue plus loin, c'est la même chose. » La suite a montré que
non.
Didier Lecoq
in Aéroplane de Touraine 2004 (complété en 2010) |