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Loi de Séparation des Eglises et de l'Etat
Loi du 9 Décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.
Journal Officiel de la République Française
No 336 - Lundi 11 Décembre 1905
Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:
TITRE I - PRINCIPES
Article 1er
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre
exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans
l'intérêt de l'ordre public.
Article 2
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de
la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements
et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives
à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des
cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles,
hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des
dispositions énoncées à l'article 3.
TITRE II - ATTRIBUTION DES BIENS - PENSIONS
Article 3
Les établissements dont la suppression est ordonnée par l'article 2
continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions
qui les régissent actuellement, jusqu'à l'attribution de leurs biens aux
associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration
du délai ci-après.
Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de
l'administration des domaines à l'inventaire descriptif et estimatif:
1) Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements;
2) Des biens de l'Etat, de départements et des communes dont les
mêmes établissements ont la jouissance.
Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants
légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une
notification faite en la forme administrative.
Les agents chargés de l'inventaire auront le droit de se faire communiquer
tous titres et documents utiles à leurs opérations.
Article 4
Dans le délai d'un an après la promulgation de la présente loi, les biens
mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux,
consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes
les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale,
transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations
qui, en se conformant aux règles d'organisation générale du culte dont elles
se proposent d'assurer l'exercice, se seront légalement formées, suivant les
prescriptions de l'article 19, pour l'exercice de ce culte dans les anciennes
circonscriptions desdits établissements.
Article 5
Ceux des biens désignés à l'article précédent qui proviennent de l'Etat
et qui ne sont pas grevés d'une fondation pieuse créée postérieurement
à la loi du 18 Germinal an X feront retour à l'Etat.
Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements
ecclésiastiques qu'un mois après la promulgation du règlement d'administration
publique prévu à l'article 43. faute de quoi la nullité pourra en être demandée
devant le tribunal civil par toute partie intéressée ou par le ministère public.
En cas d'aliénation par l'association cultuelle de valeurs mobilières ou d'immeubles
faisant partie du patrimoine de l'établissement public dissous, le montant du
produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les
conditions prévues au paragraphe 2 de l'article 22.
L'acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de
cet emploi.
Les biens revendiqués par l'Etat, les départements ou les communes ne pourront être
aliénés, transformés ni modifiés jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la
revendication par les tribunaux compétents.
Article 6
Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques
supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs
emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe du présent
article; tant qu'elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront
droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire
retour à l'Etat en vertu de l'article 5.
Le revenu global desdits biens reste affecté au payement du reliquat des
dettes régulières et légales de l'établissement public supprimé, lorsqu'il
ne se sera formé aucune association cultuelle apte à recueillir le patrimoine
de cet établissement.
Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices
religieux seront supportées par les associations en proportion du temps
pendant lequel elles auront l'usage de ces édifices par application des
dispositions du Titre III.
Dans le cas où l'Etat, les départements ou les communes rentreront en
possession de ceux des édifices dont ils sont propriétaires, ils seront
responsables des dettes régulièrement contractées et afférentes auxdits
édifices.
Article 7
Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d'une affectation charitable
ou de toute autre affectation charitable ou de toute autre affectation
étrangère à l'exercice du culte seront attribués, par les représentants
légaux des établissements écclésiastiques, aux services ou établissements
publics ou d'utilité publique, dont la destination est conforme à celle
desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le préfet du
département où siège l'établissement ecclésiastique. En cas de
non-approbation, il sera statué par décret en Conseil d'Etat.
Toute action en reprise ou en revendication devra être exercée dans un
délai de six mois à partir du jour où l'arrêté préfectoral ou le
décret approuvant l'attribution aura été inséré au Journal Officiel.
L'action ne pourra être intentée qu'en raison de donations ou de legs
et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.
Article 8
Faute par un établissement ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé
par l'article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y
sera pourvu par décret.
A l'expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu'à leur
attribution, placés sous séquestre.
Dans le cas où les biens attribués en vertu de l'article 4 et du
paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l'origine, soit
dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l'exercice
du même culte, l'attribution qui en aura été faite par les représentants de
l'établissement ou par décret pourra être contestée devant le Conseil d'Etat
statuant au contentieux, le quel prononcera en tenant compte de toutes les
circonstances de fait.
La demande sera introduite devant le Conseil d'Etat, dans le délai d'un an
à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l'autorité
préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du
culte, de l'attribution effectuée par eux. Cette notifiaction devra être
faite dans le délai d'un mois.
L'attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans
l'association nantie, de création d'association nouvelle par suite d'une
modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et
dans le cas où l'association attributaire n'est plus en mesure de remplir
son objet.
Article 9
A défaut de toute association pour recueillir les biens d'un établissement
public du culte, ces biens seront attribués par décret aux établissements
communaux d'assistance ou de bienfaisance situés dans les limites
territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée.
En cas de dissolution d'une association, les biens qui lui auront été dévolus
en exécution des articles 4 et 8 seront attribués par décret rendu en Conseil
d'Etat, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou,
à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit aux
établissements visés au paragraphe 1er du présent article.
Toute action en reprise ou en revendication devra être exercée dans un
délai de six mois à partir du jour où le décret aura été inséré au
Journal Officiel. L'action ne pourra être intentée qu'en raison de
donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers
en ligne directe.
Article 10
Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à
aucune perception au profit du Trésor.
Article 11
Les ministres des cultes qui, lors de la promulgation de la présente loi,
seront âgés de plus de soixante ans révolus et qui auront, pendant trente
ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par l'Etat,
recevront une pension annuelle et viagère égale aux trois quarts de leur
traitement.
Ceux qui seront âgés de plus de quarante-cinq ans et qui auront, pendant
vingt ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par
l'Etat, recevront une pension annuelle et viagère égale à la moitié de
leur traitement.
Les pensions allouées par les deux paragraphes précédents ne pourront
pas dépasser 1,500 fr.
En cas de décès des titulaires, ces pensions seront réversibles, jusqu'à
concurrence de la moitié de leur montant, au profit de la veuve et des
orphelins mineurs laissés par le défunt et, jusqu'à concurrence du quart,
au profit de la veuve sans orphelins mineurs. A la majorité des orphelins,
leur pension s'éteindra de plein droit.
Les ministres des cultes actuellement salariés par l'Etat, qui ne seront
pas dans les conditions ci-dessus, recevront, pendant quatre ans à partir
de la suppression du budget des cultes, une allocation égale à la totalité
de leur traitement pour la première année, aux deux tiers pour la deuxième,
à la moitié pour la troisième, au tiers pour la quatrième.
Toutefois, dans les communes de moins de 1,000 habitants et pour les ministres
des cultes qui continueront à y remplir leurs fonctions, la durée de chacune
des quatre périodes ci-dessus indiquées sera doublée.
Les départements et les communes pourront, sous les mêmes conditions que
l'Etat, accorder aux ministres des cultes actuellement salariés par eux des
pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale
durée.
Réserve est faite des droits acquis en matière de pension par application de
la législation antérieure, ainsi que des secours accordés, soit aux anciens
ministres des différents cultes, soit à leur famille.
Les pensions prévues aux deux premiers paragraphes du présent article ne
pourront se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement
alloué, à titre quelconque, par l'Etat, les départements ou les communes.
La loi du 27 juin 1885, relative au personnel des facultés de théologie
catholique supprimées, est applicable aux professeurs, chargés de cours,
maîtres de conférences et étudiants des facultés de théologie protestante.
Les pensions et allocations prévues ci-dessus sont incessibles et
insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles. Elles
cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou
infamante ou en cas de condamnation pour l'un des délits prévus aux
articles 34 et 35 de la présente loi.
Le droit à l'obtention ou à la jouissance d'une pension ou allocation sera
suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français,
durant la privation de cette qualité.
Les demandes de pension devront être, sous peine de forclusion, formées dans
le délai d'un an après la promulgation de la présente loi.
TITRE III - DES EDIFICES DES CULTES
Article 12
Les édifices qui ont été mis à la disposition et qui, en vertu de la loi du
18 germinal an X, servent à l'exercice public des cultes ou au logement de
leurs ministres (cathédrals, églises, chapelles, temples, synagogues,
archevêchés, évéché, presbytères, séminaires), ainsi que leurs dépendances
immobilières et les objets mobiliers qui les garnisssaient au moment où
lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriété
de l'Etat, des départements et des communes.
Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X,
dont l'Etat, les départements et les communes seraient propriétaires, y
compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément
aux dispositions des articles suivants.
Article 13
Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets
mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition
des établissements publics du culte, puis des associations appelées à
les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été
attribués par application des dispositions du titre II.
La cessation de cette jouissance, et, s'il y a lieu, son transfert seront
prononcés par décret, sauf recours au Conseil d'Etat statuant au contentieux:
1) Si l'association bénéficiaire est dissoute;
2) Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d'être célébré
pendant plus de six mois consécutifs;
3) Si la conservation de l'édifice ou celle des objets mobiliers classés
en vertu de la loi de 1887 et de l'article 16 de la présente loi est compromise
par insuffisance d'entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du
conseil municipal ou, à son défaut, du préfet;
4) Si l'association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont
détournés de leur destination;
5) Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l'article 6 ou du dernier
paragraphe du présent article, soit aux prescriptions relatives aux monuments
historiques.
La désaffectation de ces immeubles pourra, dans les cas ci-dessus prévus,
être prononcée par décret rendu en Conseil d'Etat. En dehors de ces cas,
elle ne pourra l'être que par une loi.
Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies
du culte n'auront pas été célébrées pendant le délai d'un an antérieurement
à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une
association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation,
pourront être désaffectés par décret.
Il en sera de même pour les édifices dont la désaffection aura été demandée
antérieurement au 1er juin 1905.
Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires
seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance
et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant.
Article 14
Les archevêchés, évéchés, les presbytères et leurs dépendances, les grands
séminaires et facultés de théologie protestante seront laissés gratuitement
à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations
prévues à l'article 13, savoir: les archevêchés et évéchés pendant une
période de deux années; les presbytères dans les communes où résidera le
ministre du culte, les grands séminaires et facultés de théologie protestante
pendant cinq années à partir de la promulgation de la présente loi.
Les établissements et associations sont soumis, en ce qui concerne ces
édifices, aux obligations prévues par le dernier paragraphe de l'article 13.
Toutefois ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée
dans les conditions et selon les formes déterminées par l'article 13. Les
dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices
visés par le paragraphe 1er du présent article.
La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition
des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er,
être prononcée pour un service public par décret rendu en Conseil d'Etat.
A l'expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des
édifices sera rendue à l'Etat, aux départements ou aux communes.
Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de
presbytère, par application de l'article 136 de la loi du 5 avril 1884,
resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de
plein droit en cas de dissolution de l'association.
Article 15
Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes,
la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à
l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par
les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations
cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de
la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer
librement de la propriété de ces édifices.
Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des
communes.
Article 16
Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l'exercice
public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogue, archevêchés,
évéchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de
ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur
artistique ou historique.
Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l'article 13,
qui n'auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu
de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente loi, ajoutés à ladite
liste. Il sera procédé par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts,
dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la
conservation présenterait, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt
suffisant. A l'expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein
droit.
En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la préente
loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s'ils
appartenaient à des établissements publics.
Il n'est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés,
évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront
inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l'Etat lui seront
restituées.
Article 17
Les immeubles par destination classés en vertu de la loi du 30 mars 1887 ou de
la présente loi sont inaliénables et imprescriptibles.
Dans le cas où la vente ou l'échange d'un objet classé serait autorisée par le
ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, un droit de préemption
est accordé: 1) aux associations cultuelles; 2) aux communes; 3) aux
départements; 4) aux musées et sociétés d'art et d'archéologie; 5) à l'Etat.
Le prix sera fixé par trois experts que désigneront le vendeur, l'acquéreur
et le président du tribunal civil.
Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus ne fait usage du droit de préemption,
la vente sera libre; mais il est interdit à l'acheteur d'un objet classé de le
transporter hors de France.
Nul travail de réparation, restauration ou entretien à faire aux monuments ou
objets mobiliers classés ne peut être commencé sans l'autorisation du ministre
des beaux-arts, ni exécuté hors de la surveillance de son administration,
sous peine, contre les propriétaires, occupants ou détenteurs qui auraient
ordonné ces travaux, d'une amende de seize à quinze cents francs (16 à 1,500
fr.).
Toute infraction aux dispositions ci-dessus ainsi qu'à celles de l'article 16
de la présente loi et des articles 4, 10, 11 12 et 13 de la loi du 30 mars 1887
sera punie d'une amende de cent à dix mille francs (100 à 10,000 fr.) et d'un
emprisonnement de six jours à trois mois, ou de l'une de ces deux peines seulement.
La visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront
publiques; elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance.
TITRE IV - DES ASSOCIATIONS POUR L'EXERCICE DES CULTES
Article 18
Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice
public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et
suivants du titre 1er de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises
aux prescriptions de la présente loi.
Article 19
Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte
et être composées au moins:
Dans les communes de moins de 1,000 habitants, de sept personnes;
Dans les communes de 1,000 à 20,000 habitants, de quinze personnes;
Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20,000, de
vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription
religieuse.
Chacun de leurs membres pourra s'en retirer en tout temps, après payement
des cotisations échues et de celles de l'année courante, nonobstant toute
clause contraire.
Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière
et d'administration légale des biens accompis par les directeurs ou
administrateurs seront, chaque année au moins, présentés au contrôle de
l'assemblée générale des membres de l'association et soumis à son approbation.
Les associations pourront recevoir, en outre des cotisations prévues par l'article
6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais
du culte, percevoir des rétributions: pour les cérémonies et services religieux
même par fondation; pour la location des bancs et sièges; pour la fourniture des
objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la
décoration de ces édifices.
Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs
recettes à d'autres associations constituées pour le même objet.
Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de
l'Etat, des départements ou des communes. Ne sont pas considérées comme subventions
les somme allouées pour réparations aux monuments classés.
Article 20
Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l'article 7 du décret
du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction
centrale; ces unions seront réglées par l'article 18 et par les cinq derniers
paragraphes de l'article 19 de la présente loi.
Article 21
Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs
dépenses; elles dressent chaque année le compte financier de l'année écoulée
et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par
l'administration de l'enregistrement et par l'inspection générale des finances.
Article 22
Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles
à la constitution d'un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais
et l'entretien du culte et ne pouvant en aucun cas recevoir une autre destination:
le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale, pour les
unions et asociations ayant plus de cinq mille frans (5,000 francs) de revenu,
à trois fois et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle
des sommes dépensées par chacune d'elles pour les frais du culte pendant les
cinq derniers exercices.
Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives,
elles pourront constituter une réserve spéciale dont les fonds devront être
déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la caisse des dépôts et consignations
pour être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l'achat, à la construction,
à la décoration ou à la réparation d'immeubles ou meubles destinés aux
besoins de l'association ou de l'union.
Article 23
Seront punis d'une amende de seize francs (16 fr.) à deux cent francs (200 francs)
et, en cas de récidive, d'une amende double les directeurs ou administrateurs
d'une association ou d'une union qui auront contrevenu aux articles 18, 19, 20,
21 et 22.
Les tribunaux pourront, dans le cas d'infraction au paragraphe 1er de l'article 22,
condamner l'association ou l'union à verser l'excédent constaté aux établissements
communaux d'assistance ou de bienfaisance.
ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent
article, prononcer la dissolution de l'association ou de l'union.
Article 24
Les édifices affectés à l'exercice du culte appartenant à l'Etat, aux départements
ou aux communes continueront à être exemptés de l'impôt foncier et de l'impôt
des portes et fenêtres.
Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les
facultés de théologie protestante qui appartiennent à l'Etat, aux départements
ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont
soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d'abonnement
ni à celle imposée aux cercles par l'article 33 de la loi du 8 août 1890, pas
plus qu'à l'impôt de 4 p.100 sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880
et du 29 décembre 1884.
TITRE V - POLICE DES CULTES
Article 25
Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant
à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont
dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent
placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public.
Elles ne peuvent avoir lieu qu'après une déclaration faite dans les formes de
l'article 2 de la même loi et indiquant le local dans lequel elles seront tenues.
Une seule déclaration suffit pour l'ensemble des réunions permanentes, périodiques
ou accidentelles qui auront lieu dans l'année.
Article 26
Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant
habituellement à l'exercice d'un culte.
Article 27
Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte
continueront à être réglées en conformité des articles 95 et 97 de la loi
municipale du 5 avril 1884.
Les sonneries de cloches seront réglées par arrêté municipal et, en cas de
désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association
cultuelle, par arrêté préfectoral.
Le règlement d'administration publique prévu par l'article 43 de la présente
loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles
pourront avoir lieu.
Article 28
Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème
religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que
ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de
sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des
musées ou expositions.
Article 29
Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de
simple police.
Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27, ceux
qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en
qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26, ceux
qui ont fourni le local.
Article 30
Conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 28 mars 1882,
l'enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à
treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu'en dehors des heures
de classe.
Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindraient ces
prescriptions, des dispositions de l'article 14 de la loi précitée.
Article 31
Sont punis d'une amende de seize francs (16 fr.) à deux cents francs (200
fr.) et d'un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l'une de ces
deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou
menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi
ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront
déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou
à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à
s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte.
Article 32
Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu
les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés dans le local
servant à ces exercices.
Article 33
Les dispositions des deux articles précédents ne s'appliquent qu'aux troubles,
outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront
pas lieu à de plus fortes peines d'après les dispositions du code pénal.
Article 34
tout ministre d'un culte qui, dans les lieux ou s'exerce ce culte, aura
publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits
distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé
d'un service public sera puni d'une amende de cinq cents francs à trois
mille francs (500 à 3,000 fr.) et d'un emprisonnement de un mois à un an,
ou de l'une de ces deux peines seulement.
La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s'il est relatif aux fonctions,
pourra être établie devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues
par l'article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par
l'article 65 de la même loi s'appliquent aux délits du présent article et
de l'article qui suit.
Article 35
Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans
les lieux ou s'exerce le culte, contient une provocation directe à résister
à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il
tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le
ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement
de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans
le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou
guerre civile.
Article 36
Dans le cas de condamnation par les tribunaux de simple police ou de police
correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l'association
constituée pour l'exercice du culte dans l'immeuble où l'infraction a été
commise sera civilement responsable.
TITRE VI - DISPOSITIONS GENERALES
Article 37
L'article 463 du Code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous
les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.
Article 38
Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901,
4 décembre 1902 et 7 juillet 1904.
Article 39
Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d'élèves ecclésiastiques la dispense
prévue par l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier
conformément à l'article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu'à l'âge
de vingt-six ans ils soient pourvus d'un emploi de ministre du culte rétribué
par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées
par un réglement d'administration publique.
Article 40
Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres
du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront
leur ministère ecclésiastique.
Article 41
Les sommes rendues disponibles chaque année par la suppression du budget des
cultes seront réparties entre les communes au prorata du contingent de la
contribution foncière des propriétés non bâties qui leur aura été assigné
pendant l'exercice qui précèdera la promulgation de la présente loi.
Article 42
Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues.
Article 43
Un réglement d'administration publique rendu dans les trois mois qui suivront la
promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son
application.
Des règlements d'administration publique détermineront les conditions dans lesquelles
la présente loi sera applicable à l'Algérie et aux colonies.
Article 44
Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation
publique des cultes antérieurement reconnus par l'Etat, ainsi que toutes
dispositions contraires à la présente loi, et notamment:
1) La loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor
an IX entre le Pape et le Gouvernement Francais, ensemble les articles organiques
de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de
la République;
2) Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants;
3) Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 25 mai
1844 sur le culte israélite;
4) Les décrets des 22 décembre 1812 et 19 mars 1859;
5) Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du code pénal;
6) Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12 de l'article 136 et l'article
167 de la loi du 5 avril 1884;
7) Le décret du 30 décembre 1809 et l'article 78 de la loi du 26 janvier 1892.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des Députés,
sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 9 décembre 1905.
Emile LOUBET.
Par le Président de la République:
Le président du conseil,
ministre des affaires étrangères,
ROUVIER.
Le ministre de l'instruction civique,
des beaux-arts et des cultes,
BIENVENU MARTIN.
Le ministre de l'intérieur,
F.DUBIEF.
Le ministre des finances,
P.MERLOU.
Le ministre des colonies,
CLEMENTEL.
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