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Luc Olivier Merson, Une noble vie d'artiste par Adolphe Giraldon
par ADOLPHE GIRALDON, Imprimeurs Frazier-Soye, A. Porcabeuf, PARIS 1929
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savoureuse et la plus pittoresque alliance d'émotion et d'archaïsme.
« Sous un soleil très doux, autour de la fontaine »
«Pour fêter Saint David, les chanteurs sont venus. »
Et enfin, au plafond, l'Hymne, l'Elégie, le Chant et la Musique
accordent leurs formes et leur couleur dans une forte et sobre harmonie.
Ces peintures, achevées en 1898
, sont restées aussi fraîches et aussi puissantes qu'au premier jour.
A la nouvelle Sorbonne, il décore le cabinet du recteur de figures enseignantes,
assises dans leur chaire : Les Sciences, les Lettres, le Droit, la Médecine, les Chartes.
Partout, dans ces allégories, on retrouve l'ingéniosité de présentation et la clarté des emblèmes,
si souvent notées déjà.
Quatre importantes peintures : la Vérité, la Famille, la fortune, l'Espérance
ornent, dans un somptueux décor de pierre blanche niellée d'or, l'escalier
d'honneur d'une demeure parisienne édifiée par l'architecte Chedanne pour Mme Watel-Dehaynin.
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Trois charmants panneaux, aujourd'hui dispersés, montraient des figures
allégoriques en camaïeu bleu sur fond d'or, au-dessus d'une cheminée monumentale de
l'Hôtel Gouin, au Parc Monceau.
Enfin, un vaste projet avait, dès 1889,
été conçu par les architectes Formigé et Ballu. Ils offraient à Merson de décorer entièrement les
deux travées de l'escalier des Fêtes de l'Hôtel de Ville, les galeries latérales, les coupoles
des salons d'arrivée. Immense et séduisant programme pour lequel s'enthousiasma aussitôt l'artiste.
Avec un ami, auquel, en sa grande modestie, il voulut bien faire confiance, il établit,
aussitôt, le plan de cette décoration : Les Fêtes parisiennes, tel était le thème adopté.
Sur les piliers des doubleaux seraient peintes de grandes figures allégoriques de
la musique, du chant, de la danse et autres divertissements. Les caissons des doubleaux seraient
décorés d'enfants nus, dans des couronnes de feuillages.
Les douze plafonds en voûte d'arêtes des galeries latérales célébreraient,
plus spécialement, les fêtes et réjouissances parisiennes, dans
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un mélange d'ornementation, d'architecture, de fleurs et de figures, plus ou moins
inspiré de la tradition pompéienne, italienne et française. Sur les parois de ces galeries,
seize grands paysages décoratifs devaient évoquer les jardins et parcs de Paris. Les plafonds
des coupoles glorifieraient les Arts et les Sciences qui président à la beauté de la ville.
Enfin, des caissons, des tympans secondaires seraient ornés des armoiries des anciens corps
de métiers parisiens et de feuillages, de fruits et de fleurs de l'île de France.
Les esquisses furent relativement vite établies et subsistent encore. Elles sont la
propriété de la Ville de Paris et il serait à souhaiter qu'elles fussent exposées au Petit-Palais
des Champs-Élysées.
Assez promptement, des difficultés administratives, des rivalités, des compétitions
surgirent. Le programme fut réduit, au détriment de l'unité, pour satisfaire plus de convoitises
et d'amitiés. Mais, malgré de regrettables amputations, il restait encore considérable.
On se mit à la besogne et les études préliminaires commencèrent.
Des circonstances contraires vinrent retarder
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les travaux et, à la mort de Merson, seuls quelques-uns des grands panneaux étaient achevés.
Les plafonds des galeries étaient à peine commencés.
La Ville de Paris, d'accord avec les héritiers du maître, demanda au regretté peintre
A. F. Gorguet, de terminer cet ensemble fragmentaire. Il accepta et accomplit cette tâche à la
satisfaction de tous.
Mais il reste, outre les esquisses, de nombreuses études que cette décoration avait
motivées. Il en est de tout premier ordre où s'affirme tout ce que peut ajouter, à la plus rare
sensibilité, la science achevée du dessin. Réunies, elles formeraient un monument digne d'être
offert à l'admiration de ceux qui conservent le goût de la vérité unie à la grâce.
La Ville de Paris en possède un certain nombre.
A la demande de l'Etat français, il entreprit une tapisserie destinée au Palais
de la Paix à la Haye, heureux mélange d'archéologie et d'observation, de convention et de nature,
dans un dosage dont Merson avait véritablement le secret.
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Cette noble allégorie de la Paix exprime clairement le thème donné.
Les détails ingénieux abondent, et certaines figures: le couple des amants dont la guerre
n'interrompt pas le tendre cantique, par exemple, sont absolument délicieuses. Cette oeuvre
capitale est restée inachevée. Après la mort de l'artiste, elle fut terminée par un de ses meilleurs
élèves, M. Garand, et elle attend, aujourd'hui, que le bon plaisir d'un directeur des Gobelins
la transforme en tapisserie et lui permette d'occuper la place à laquelle elle est destinée.
Le carton de cette oeuvre est aujourd'hui au Musée de Lunéville.
Vers 1906, le Ministère
des Affaires Etrangères avait demandé à Merson d'étudier six modèles de tapisserie destinés à
l'Ambassade de France à Berlin.
Le thème qu'il choisit était Les Contes de Perrault.
On devine ce qu'un tel sujet pouvait faire surgir d'idées ingénieuses dans son cerveau fécond.
Les esquisses, véritables merveilles d'esprit et de grâce légère, furent, naturellement,
exécutées sans retard.
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Mais là, encore, un sort contraire vint arrêter l'élan de l'artiste,
et la commande fut annulée. Merson résolut alors de la terminer à ses risques
et frais, pour son plaisir. Il ébaucha sans tarder le premier panneau, le Petit Poucet,
qui lui-même resta inachevé.
Inachevée aussi, mais trop inachevée pour pouvoir être terminée par un autre artiste,
était demeurée une vaste composition destinée à être transformée en tapisserie et à être placée
à l'École des Beaux-Arts.
Une construction, mi-architecturale, mi-picturale, à la façon de Ducerceau ou de Bérain,
sert de support à de nombreuses figures allégoriques des arts et sciences enseignés à l'École.
Dans la partie inférieure, comme la source même de l'esprit qui doit régner dans l'enseignement,
la vérité victorieuse sort de son puits et, par sa seule apparition, met en fuite le troupeau
effaré des oies de la routine et de l'erreur.
Profonde et claire allégorie qui laisse, mieux que cent discours, voir le fond de la pensée
de Merson. Que de fois l'a-t-il placée dans ses compositions, cette vérité qu'il chérissait tant,
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dont il avait fait la règle de sa vie, et qu'il savait si peu farder! Il semble qu'il en ait
eu l'obsession. Heureuse et souhaitable obsession!
Cet important fragment, le seul qu'on ait cru devoir conserver, a été offert au Musée
de Nantes où l'on peut l'admirer dans cet ensemble copieux et varié que, grâce à la générosité des
enfants du peintre, le sympathique conservateur du Musée, M. Pineau-Chaillou, a su si bien présenter
au public.
Là, seulement, dans cette ville de Nantes, berceau de la famille Merson,
il est possible d'apprécier le talent si complet et si souple du regretté grand artiste.
* * *
Le talent de Merson devait naturellement tenter les peintres verriers. Il leur fournit
de nombreux et importants cartons dont la complète énumération est impossible. Parmi les compositions
exécutées pour les Oudinot, les Bardon, les Delon, les Gaudin, les Champigneulle et les Tiffany,
on peut citer ce beau et pur dessin des Noces florentines qui orne, aujourd'hui, une
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quelconque salle du Sénat et est ainsi hors de la vue du public. Puis, ce fût ce vitrail :
Les disciples d'Emmaüs dont la superbe exécution fut offerte aux Arts décoratifs
qui «faute de place convenable» (sic) l'offrirent à leur tour à l'église de Biarritz
où on peut l'admirer. Le carton de ce vitrail, un admirable dessin, appartient aujourd'hui
au vieil ami de l'artiste, l'architecte Bénard, son camarade de Rome, resté son fidèle admirateur.
Nous connaissons aussi d'amusants panneaux, peints sur verre, à la façon des vitraux
suisses, représentant si ingénieusement des épisodes de la jeunesse de Gargantua.
Parmi les modèles de mosaïque conçus par Merson, il faut signaler celui du tombeau de Pasteur
à la chapelle de la rue Dutot, édifiée par l'architecte Girault, et la colossale composition
qu'il entreprit pour décorer l'abside en cul de four de la basilique du Sacré-Coeur à Montmartre.
Cette mosaïque, conçue dans l'esprit des couvres byzantines, avec l'apport, tout moderne, que le
talent de Merson ne pouvait manquer d'y apporter, a été exécutée avec
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le concours de H.M.Magne par Guilbert-Martin. Un excellent élève de Merson, M. Imbs, a
consenti, après la mort de son maître, à terminer certaines parties restées inachevées.
Vers 1903, la Banque de France demanda
à L.-O. Merson la composition du billet de 100 fr. destiné à
remplacer celui qu'avait dessiné Baudry, et presque en même temps on lui commandait le modèle
d'un nouveau billet de 50 francs.
Le peu de satisfaction qu'il ressentit de l'interprétation de ses oeuvres l'amena à
refuser d'autres commandes importantes que la Banque lui avait faites.
Une très grande réserve doit être apportée sur les jugements portés par ceux qui ne
connaissent les compositions de Merson qu'à travers les détestables reproductions qu'en a offertes
la Banque au public.
* * *
Passant, maintenant, au chapitre des illustrations, nous resterons stupéfaits de la
quantité d'oeuvres accomplies par Merson et de leur intérêt.
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Tous les dons de ce maître pouvaient ici se donner libre cours: compréhension des sujets,
ingéniosité et fertilité de l'invention, étendue des connaissances, sûreté et adresse
incomparables de la main, toutes, ces qualités réunies faisaient de lui l'illustrateur idéal.
Sa verve était intarissable. Certaines scènes donnaient lieu à de multiples
interprétations, toutes différentes, bien qu'inspirées du même épisode.
Architecture, paysages, costumes, meubles, accessoires, emblèmes, tout lui était familier.
On eut dit que sa mémoire les évoquait, devant lui, au moment voulu, sous l'angle requis, avec la
précision de formes., avec la justesse d'effet nécessaires.
Pour les objets inanimés, sa faculté d'observation et sa prodigieuse mémoire
le servaient presque uniquement.
Il lui suffisait d'une note prise dans un recueil, d'un croquis hâtif d'après quelque
objet analogue, ou même, le plus souvent, d'un appel a son souvenir, aussi précis qu'un calque.
Mais, par contre, tout ce qui était vie : figures, animaux,
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paysage, était, par lui, toujours étudié, contrôlé avec soin, comme au premier jour.
Les études faites pour tous ses ouvrages, tableaux, décoration, illustration, sont innombrables,
souvent admirables, certains dessins d'arbres chargés de fruits, en particulier.
Pour les grandes oeuvres décoratives, il exécutait au préalable, à l'aide de ses études,
un « carton » dessiné, à échelle réduite, qu'il n'avait plus qu'à transporter sur
la toile et qui lui servait de guide pour l'exécution.
Il reste divers fragments de ces cartons; trop peu, hélas! Un entre autres, La Famille
acquis parle regretté peintre Weerts et que conservent ses héritiers, oeuvre de toute beauté et
digne d'un musée.
Revenons aux illustrations, pour essayer d'en donner la nomenclature.
Merson débuta dans cette carrière d'illustrateur en 1878
par une Sainte Elisabeth de Hongrie pour l'éditeur Mame. Et pour le même éditeur,
en 1880, il illustre une Chanson de Roland.
Puis c'est la Chevalerie de Léon Gautier,
pour Palmé, en 1884 et les Fêtes
chrétiennes. C'est en 1888 qu'il
commença l'illustration
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