LES BALLONS DU SIEGE DE PARIS.
Suite.-- Voy. p.3, 45, 52, 68, 115.
LA POSTE FLUVIALE.
« Le 7 décembre 1870, à une heure du matin, l'aérostat le Denis Papin, est gonflé à la gare d'Orléans,
au milieu de quelques rares spectateurs qui vont assister à son départ. Le marin Domalin mon dans la nacelle, et bientôt
les voyageurs, MM. de Montgaillard, Delort et Robert, prennent place à côté de lui dans l'esquif aérien.
Ces deux derniers ont une importante mission du gouvernement ; ils ont inventé un système ingénieux de cylindres roulant au fond
de la scène, au moyen desquels on pourra faire entrer dans Paris assiégé les dépêches et les missives de la province.
Le ballon s'élève dans d'excellentes conditions ; à sept heures du matin, il touche terre aux environs du Mans.
Quelques jours après, le Moniteur de Tours contenait un avis bien fait pour exciter l'attention du public ;
( cf. Avis au public).
il annonçait que l'on avait offert à l'administration des postes de faire parvenir des lettres des départements
dans la capitale investie, à l'aide d'un procédé pour lequel les inventeurs, disent le journal, sont brevetés.
Ce procédé, faisait observer le moniteur, pour conserver ses chances de succès, doit rester secret ; mais il a été reconnu
suffisamment pratique pour être essayé.
Cylindre à hélice roulant au fond de la Seine. - Dessin de Jahandier
L'administration annonçait enfin que l'on pouvait adresser des lettres de 4 grammes à Paris, et qu'il suffisait de les affranchir
avec 80 centimes de timbres, en joignant à l'adresse et les mots suivants : Paris, par Moulins (Allier).
L'invention de MM. Delort et Robert consistait, comme nous l'avons dit, en un cylindre creux, muni de palettes, dont nous
représentons un type ci-dessus. Ce cylindre, à peu près de la grosseur d'un chapeau d'homme, était rempli de lettres :
on le fermait hermétiquement et on le lançait dans la Seine ; il tombait au fond de l'eau, et le courant le faisant rouler
sur le lit du fleuve, devait le ramener jusqu'au centre de Paris, où des filets tendus l'auraient retenu. Malheureusement,
les Prussiens avaient songé à la possibilité d'employer le courant de la Seine pour communiquer avec Paris, et les cylindres
roulants, lancés un grand nombre, furent arrêtés avant l'entrée de Paris par les filets de l'ennemi. Après l'armistice,
les allemands cessèrent de prendre autant de précautions, et en retira du fond de la Seine plusieurs des appareils de
MM. Delort et Robert. Quelques-uns d'entre eux circulent peut-être encore dans notre fleuve ; ce qui semblerait le faire
croire, c'est que tout récemment un pêcheur a sorti de l'eau un de ces cylindres non loin de la ville de Rouen. Le procédé,
comme on le voit, était bien imaginé, mais il fut réduit à néant par la prévoyance de l'ennemi.
Un autre système fort ingénieux, dit le Journal officiel, avait été présenté également par M. Baylard, commis à
l'hôtel de ville et expéditionnaire du gouvernement. Une grande économie, ce système joignait l'avantage d'être simple
et d'une exécution facile. Au prix de 15 centimes pouvait obtenir une centaine de petites boules de verre, soufflées,
creuses et terminées à la base par un petit orifice où s'introduisait la dépêche. Ces boules, d'un petit diamètre,
figuraient si merveilleusement les bulles d'eau naturelles, qu'il devenait impossible de les distinguer quand on les
remuait dans un bassin et qu'on cherchait à les saisir. Prenant, à cause de leur transparence, le reflet de l'eau
dans laquelle elles plongent, mobiles et légères, glissant avec la plus grande facilité le long des roseaux, des tiges,
des plantes et des bords de la rivière qui pourraient leur servir d'obstacles, franchissant aisément sans se rompre
les petits versants des barrages, échappant par leur petite dimension aux grosses mailles des filets prussiens et
aux mains des pêcheurs ennemis, ces petites boule messagères étaient appelées à rendre de grands services à la défense
pour le transport des dépêches micrographiques. M. Reboul emporta un grand nombre de ces globules en ballons,
et l'idée était en pleine voie d'exécution, lorsque les glaces vinrent empêcher le développement de ce curieux
mode de transmission.
D'autres procédés furent encore proposés en grand nombre : nous citerons notamment le bateau sous-marin de M. Delente ;
mais aucune de ces inventions, si ingénieuses qu'elles fussent, ne répondit aux espérances qu'elles avaient fait concevoir. »
Extrait du
Magasin pittoresque d'Edouard Charton, (page 148)
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