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Un blog très intéressant sur diverses enveloppes "Premier Jour" du monde entier. Toutes décrites avec beaucoup de détails : un moment très agréable pour découvrir les FDC.

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La Commune : Exécution des généraux Thomas et Lecomte


Introduction
La guerre de 1870
La poste pendant la Commune
L'Agence de la Bourse
L'Agence Moreau et Osmont
L'Agence Bruner
L'Agence Maury et Lorin
Les Lorins
Evénements marquants
Quelques images de la Commune
L'exécution des généraux Thomas et Lecomte
La destruction de la colonne Vendôme
Exécution de six otages par les fédérés

Exécution des généraux Thomas et Lecomte
Exécution des généraux
Thomas et Lecomte,
rue des rosiers

Emile Appert, 1871
(attribution incertaine)

Fiez-vous donc au nom des rues et à leur physionomie doucereuse !... Lorsque après avoir enjambé barricades et mitrailleuses, je suis arrivé là-haut derrière les moulins de Montmartre et que j'ai vu cette petite rue des Rosiers, avec sa chaussée de cailloux, ses jardins, ses maisons basses, je me suis cru transporté en province, dans un de ces faubourgs paisibles où la ville s'espace et diminue pour venir mourir à la lisière des champs. Rien devant moi qu'une envolée de pigeons et deux bonnes soeurs en cornette frôlant timidement la muraille. Dans le fond, la tour Solférino, bastille vulgaire et lourde, rendez-vous des dimanches de banlieue, que le siège a rendue presque pittoresque en en faisant une ruine.

   À mesure qu'on avance, la rue s'élargit, s'anime un peu. Ce sont des tentes alignées, des canons, des fusils en faisceaux ; puis sur la gauche, un grand portail devant lequel des gardes nationaux fument leurs pipes. La maison est en arrière et ne se voit pas de la rue. Après quelques pourparlers, la sentinelle nous laisse entrer... C'est une maison à deux étages, entre cour et jardin, et qui n'a rien de tragique. Elle appartient aux héritiers de M. Scribe...

   Sur le couloir qui mène de la petite cour pavée au jardin, s'ouvrent les pièces du rez-de-chaussée, claires, aérées, tapissées de papier à fleurs. C'est là que l'ancien Comité central tenait ses séances. C'est là que, dans l'après-midi du 18, les deux généraux furent conduits et qu'ils sentirent l'angoisse de leur dernière heure, pendant que la foule hurlait dans le jardin et que les déserteurs venaient coller leurs têtes hideuses aux fenêtres, flairant le sang comme des loups ; là enfin qu'on rapporta les deux cadavres et qu'ils restèrent exposés pendant deux jours.

   Je descends, le coeur serré, les trois marches qui mènent au jardin ; vrai jardin de faubourg, où chaque locataire a son coin de groseilliers et de clématites séparés par des treillages verts avec des portes qui sonnent... La colère d'une foule a passé là. Les clôtures sont à bas, les bordures arrachées. Rien n'est resté debout qu’un quinconce de tilleuls, une vingtaine d'arbres fraîchement taillés, dressant en l'air leurs branches dures et grises, comme des serres de vautour. Une grille de fer court derrière en guise de muraille, et laisse voir au loin la vallée, immense, mélancolique, où fument de longues cheminées d'usines. Les choses s'apaisent comme les êtres. Me voilà sur la scène du drame, et cependant j'ai peine à en ressaisir l'impression. Le temps est doux, le ciel très clair. Ces soldats de Montmartre qui m'entourent ont l'air bon enfant. Ils chantent, ils jouent au bouchon. Les officiers se promènent de long en large en riant. Seul, un grand mur, troué par les balles, et dont la crête est tout émiettée, se lève comme un témoin et me raconte le crime. C'est contre ce mur qu'on les a fusillés.

   Il paraît qu'au dernier moment le général Lecomte, ferme et résolu jusqu'alors, sentit son courage défaillir. Il essaya de lutter, de s'enfuir, fit quelques pas dans le jardin en courant, puis, ressaisi tout de suite, secoué, traîné, bousculé, tomba sur ses genoux et parla de ses enfants :

   « J'en ai cinq », disait-il en sanglotant.

   Le coeur du père avait crevé la tunique du soldat. Il y avait des pères aussi dans cette foule furieuse : à son appel déchirant quelques voix émues répondirent ; mais les implacables déserteurs ne voulaient rien entendre :

   « Si nous ne le fusillons pas aujourd'hui, il nous fera fusiller demain. »

   On le poussa contre la muraille. Presque aussitôt un sergent de la ligne s'approcha de lui :

   « Général, lui dit-il, vous allez nous promettre... » Et tout à coup, changeant d'idée, il fit deux pas en arrière et lui déchargea son chassepot en pleine poitrine. Les autres n'eurent plus qu'à l'achever.

   Clément Thomas, lui, ne faiblit pas une minute. Adossé au même mur que Lecomte, à deux pas de son cadavre, il fit tête à la mort jusqu'au bout et parla très noblement. Quand les fusils s'abaissèrent, il mit, par un geste instinctif, son bras gauche devant sa figure, et ce vieux républicain mourut dans l'attitude de César... À la place où ils sont tombés, contre ce mur froid et nu comme la plaque d'un jardin de tir, quelques branches de pêcher s'étalent encore en espalier, et, dans le haut, s'ouvre une fleur hâtive, toute blanche, que les balles ont épargnée, que la poudre n'a pas noircie...

   ... En sortant de la rue des Rosiers, par ces routes silencieuses qui s'échelonnent au flanc de la Butte pleine de jardins et de terrasses, je gagne l'ancien cimetière de Montmartre, qu'on a rouvert depuis quelques jours pour mettre les corps des deux généraux. C'est un cimetière de village, nu, sans arbres, tout en tombeaux. Comme ces paysans rapaces qui en labourant leurs champs font disparaître chaque jour un peu du chemin de traverse, la mort a tout envahi, même les allées. Les tombes montent les unes sur les autres. Tout est comble. On ne sait où poser les pieds.

   Je ne connais rien de triste comme ces anciens cimetières. On y sent tant de monde, et l'on n'y voit personne. Ceux qui sont là ont l'air d'être deux fois morts.

   ... « Qu'est-ce que vous cherchez ? » me demande une espèce de jardinier, fossoyeur, en képi de garde national, qui raccommode un entourage.

   Ma réponse l'étonne. Il hésite un moment, regarde autour de lui, puis, baissant la voix :

   « Là-bas, me dit-il, à côté de la capote. »

   Ce qu'il appelle la capote, c'est une guérite en tôle vernie abritant quelques verroteries fanées et de vieilles fleurs en filigrane... À côté, une large dalle nouvellement descellée. Pas de grille, pas d'inscription. Rien que deux bouquets de violettes, enveloppés de papier blanc, avec une pierre posée sur leurs tiges pour que le grand vent de la Butte ne les emporte pas... C'est là qu'ils dorment côte à côte. C'est dans ce tombeau de passage qu'en attendant de les rendre à leurs familles, on leur a donné un billet de logement, à ces deux soldats.


Alphonse Daudet


in Quarante ans de Paris, 1857-1897, le 22 mars 1871 : le jardin de la rue des rosiers.


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Toussaint COPPOLANI
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